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L'Aviation Nationale Khmère

1970

Pendant le long séjour du chef de l'état en France, les incidents entre la population et les troupes Vietcongs se multiplient. Les accrochages armés entre soldats khmers et Vietcongs aussi. Dans les provinces et à Phnom-Penh, des manifestations populaires contre le Vietnam du Nord ont lieu. Un ultimatum est adressé aux Vietcongs et au Vietnam du nord pour leur demander de quitter le Cambodge. Le chef de l'état, Norodom Sihanouk ne rentre toujours pas au Cambodge. Les évènements vont se précipiter.

Le 18 Mars 1970 l'assemblée Nationale vote la destitution du chef de l'état et confie la direction du pays au Premier Ministre Lon Nol et au Vice Premier Ministre, le Prince Sisowath Sirik Matak. 
Dans l'armée de Terre, les officiers fidèles à l'ancien chef de l'état, Norodom Sihanouk, et considérés comme dangereux par le nouveau gouvernement, sont placés en résidence surveillée; certains sont mis aux arrêts. L'atmosphère de méfiance qui règne dans les échelons du commandement met les officiers appartenant à la famille royale dans une situation délicate. Peu à peu, cette défiance s'estompe, sans disparaître totalement.

Pour ce qui concerne l'Aviation, le Colonel Keu Pau Ann est relevé de ses fonctions et affecté à l'Etat Major Général. Son adjoint, le Commandant So Satto, promu au grade de Lieutenant Colonel, le remplace. Notez dans le document joint les grades qui relèvent toujours de ceux de l'armée de Terre.
Le Commandant Penn Randa est nommé
Sous-Chef d'Etat Major Tactique et le Commandant Ea Chong, Sous-Chef d'Etat Major Logistique. L'Aviation Royale Khmère devient l'Aviation Nationale Khmère.

La guerre contre les communistes Vietcongs et Khmers Rouges est devenu inévitable. Juste après le 18 Mars, les troupes Nord Vietnamiennes lancent une offensive sur les provinces éloignées du Nord-Est. Dans la province de Rattanakiri, la ville de Labansiek avait tenu à peine trois mois. Les C-47 et la piste finissaient par se faire pilonner par des armes lourdes à chaque atterrissage. Les avions d'appui n'ont pas assez d'autonomie pour intervenir efficacement. Les trois bataillons de parachutistes du Cdt Oum Savuth n'ont plus comme choix que de tenter une percée pour rejoindre le Vietnam du Sud avec femmes et enfants! En raison de l'éloignement, c'est l'USAF qui assure l'appui au sol et les largages de ravitaillement le long de ce repli délicat.
Dans la province de Mondolkiri, les armées Nord Vietnamiens étaient déjà bien implantées depuis l'époque où l'ancien chef de l'état, Norodom Sihanouk, leur avait donné l'autorisation d'utiliser le territoire khmer. Toutes les sous préfectures et la capitale régionale tombèrent aux mains des communistes après dix jours de combats. Avec le pilonnage adverse, le terrain d'aviation situé dans une vallée était totalement inutilisable. Seuls les largages furent possible mais cela ne suffit pas pour sauver les troupes au sol. (voir notes)

En cascade, les américains lancent des opérations qui seront suivies par une invasion de plus de 40000 Américains et Sud-Vietnamiens à l'intérieur du Cambodge. Chassés de leurs sanctuaires le long de la frontière par les troupes américaines, les communistes s'enfoncent dans le Cambodge en attaquant les provinces de Svay Rieng, Takéo, Prey veng, Kampot et Kampong Speu. Tous les pilotes détachés chez Air Cambodge sont rappelés. Nous parvenions à mettre rapidement l'unique groupe d'Intervention en état opérationnel malgré la pénurie de munitions et de pièces de rechanges. Les avions d'entrainements CM170 Fouga Magister sont équipés de bombes françaises de 50Kg. Même les avions purement école T-37, participent aux combats au coté des T-28D, des MiG et des quelques A1-D Skyraiders encore disponibles. Toutefois, le niveau opérationnel des MiG baisse rapidement avec l'épuisement des munitions et des pièces de rechanges qui proviennent toutes des pays communistes. Avec ces avions hétéroclites et parfois en fin de vie, les techniciens ont dû 'bricoler' jour et nuit pour maintenir les avions disponibles. Avec l'aide des techniciens américains, ils ont aussi modifié les pylônes des MiG pour pouvoir emporter les bombes américaines de 500 livres. Un peu plus tard, en novembre 1970, ils remplaçaient les canons d'origines par des mitrailleuses de 12,7mm américains. 


Grâce à www.Itnsources nous pouvons voir un reportage de 1970 filmant des MIG-17s revenant de missions ainsi qu'un interview de Penn Randa.
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AVNK Mig-17
Bricolage_dUrgence.jpg Pendant ces débuts de la guerre, le matériel fourni par les techniciens de l'aviation de l'US Army n'était pas toujours adéquat. Quelques temps après, des techniciens de l'US Air Force prennent le relais. Quant à la mission militaire française, elle a brusquement cessé tous supports et assistances dès les premiers jours de la République Khmère. Sur ordre de Paris, le Général Viel, commandant la mission militaire, a interdit toute collaboration technique et tout vol de pilotes français sur les avions khmers. Néanmoins, nous continuions à garder les méthodes de travail et les cours en français à l'Ecole de l'Air. Deux pilotes français vont continuer à voler avec nous à titre strictement personnel. Le Cne Lemoine et André Rama, ancien commandant de l'Armée de l'Air Française furent des moniteurs à temps partiel à Pochentong.

< Quelques uns des outils d'urgences de ce début de guerre. Des munitions sont rapidement livrées par l'Armée américaine mais le matériel de support ne suit pas toujours....(photo transmis par D.Var)

Entre mars et novembre 1970, avec les les opérations 'Chenla I' du mois d'aout pour reprendre Taing Kauk, les CM 170, les T-28D et autres avions rafistolés comme les A-1D ont effectués près de 3000 sorties. Dans la région très marécageuse de Vihear Sour, située sur le coté des 'Quatre bras du Mékong en face de Phom-Penh, les Khmer Rouges (KR) exerçaient de fortes pressions sur les unités gouvernementales de défense. Les appuis feux étaient délicats à assurer. Les positions adverses et amies étaient si rapprochées que nos L-19 FAC (Forward Air Controller) devaient d’abord faire des passages pour 'marquer' les cibles avec des roquettes fumigènes avant que les T-28 larguent leurs bombes. Souvent, les pilotes d'observations assistaient impuissants, à des situations où des postes gouvernementaux se retrouvent submergés et pris d'assaut par les troupes communistes vietnamiennes. A Saang, les pilotes FAC partaient en mission avec un panier de grenades jetées par un observateur de bord.

Pendant cette première phase de la guerre, le Lt Sisowath Samyl Monipong fils du Prince Sisowath Monipong, un des premiers pilotes précurseurs Khmers) fut blessé lors d'un largage de vivres et munitions aux troupes au sol dans l'île face à la ville de Kratié. L'équipage réussit de justesse à ramener l'appareil avec le moteur restant (voir récit). Le T-28 du Lt Ros Sourabon fut descendu à Prek Po. La nuit tombant, il n'a pas pu être récupéré. Le lendemain on retrouva son corps. Il avait été décapité par les Khmèrs Rouges (KR). Cela donne un aperçu du sort des aviateurs quand ils tombaient entre les mains des KR. Le Cdt Neang Lee, chef d'une formation de T-28 en appui feu à Phnom Srang dans la province de Kompong Speu a fait un atterrissage forcé à Tram Khnar. Il sortit sain et sauf de son avion endommagé. Brandissant un AK-47 qu'il avait emmené, il avertit à haute voix les paysans de ne pas s'approcher de lui sous peine de se faire mitrailler par les deux autres T-28. Il fut récupéré dix minutes plus tard par un hélicoptère. A la campagne, certains paysans sont Sihanoukistes, d'autres, communistes ou forcés d'être sympathisants afin d'être épargnés. 

Encore à Vihear Sour, deux hélicoptères UH-1H sont abattus pendant les ravitaillements et les évacuations des blessés. Les lieutenants Khun Son San et Pen Samphie et les équipages (noms ?) furent tous tués. Le Lt Uon Lun Chikk réussit un atterrissage en catastrophe. Avec son équipage, il fut récupéré par d'autres hélicoptères.
Avec les combats qui faisaient rages, les renseignements du 2ème bureau indiquaient que la population s'était enfuie et a totalement évacué la zone. Avec la confirmation des Américains, devenus maintenant des 'amis officiels', l'AVNK proposa une opération de 'chasse libre'. Des tracts fut lancés pour avertir d'éventuels civils encore présents. En plus des frappes planifiées, tout avion rentrant de mission et passant dans la région avait l'autorisation de tirer sur tout ce qui bouge : charrettes à boeufs, cyclistes, pirogues, ... Des Gunships AC-47 sud vietnamiens, devenus également des amis, viennent mitrailler en journée. De nuit, les Gunships AC-130 américains prenaient le relais. Au bout d'un mois, les troupes gouvernementales reprirent totalement le contrôle de la région. La 'chasse libre' avait coupé tous les ravitaillements des positions Khmers Rouges.

Ailleurs, les pertes continuèrent. A Roulos dans la province de Kompong Thom, au cours d'un strafing, le T-28 du Cdt Ma Kim Oeurn fut touché. Il a dû se crasher mais il fut récupéré par un hélicoptère Sud Vietnamien. Lt Kong Kreung fut abattu dans la même province. Des troupes de l'Armée de Terre ont bousculé les lignes ennemies pour l'atteindre et les hélicoptères de secours parvinrent à le rapatrier sur Pochentong. Il fut immédiatement transféré vers un hôpital américain au Sud-Vietnam mais gravement brulé, il décèdera peu après.
D'autres crashs et atterrissages forcés eurent lieu. Ce fut là le début d'une longue liste de pertes matérielles et surtout humaines. D'autres pilotes comme le Cdt Baley, adjoint au chef d'opérations à la BA de Pochentong, furent tout simplement chanceux. Son avion fut mitraillé lors d'un largage de munitions à Pong Tuk (Kampot), mais aucun membre de son équipage ne fut touché... (selon l'intéressé, "les cocos" n'avaient pas bien visé).

Quand les tirs ennemis proviennent de sites classés, nous nous interdisions de répliquer. De l’église de Ponhea Leu où vivait une des plus anciennes communautés catholiques du Cambodge ou encore des temples d’Angkor Wat, les Viêt-Cong tiraient sur nos avions. A Siem Reap, ils ont monté un canon sur le temple du Mont Bakheng. L’avion du ministre de la Santé fut visé à l'atterrissage et d’autres avions furent touchés en vol.
Les communistes n’hésitent pas à pénétrer dans les bourgs et les villages khmers comme vietnamiens pour lancer des tirs sur les troupes gouvernementales. Naturellement, les habitants s’enfuient. Quand les troupes au sol répliquent ou indiquent les coordonnés pour une frappe aérienne, ces habitants sont parfois malheureusement déjà de retour et les communistes ont disparu. Cela fut particulièrement vrai au début de la guerre où la population n’avait pas encore compris le manège des communistes.

La guerre s'accélère, parallèlement à la nouvelle organisation, de nouvelles règles sont instaurées pour la vie quotidienne dans les bases aériennes.(Voir notes)

Th01_08-1970.jpg  Th_Pilotes_01_08-1970.jpg
Coopération militaire avec la Thailande. Ci dessus, quelques uns des pilotes en stage à Udorn. Pour l'aviation, l'aide thailandaise est en fait financée par les USA.

Au milieu de l'année 1970, pour ne pas gêner les activités opérationnelles croissantes de la Base de Pochentong et afin de satisfaire au programme de formation d'un grand nombre de pilotes, ordre est donné de transférer l'Ecole de l'Air Khmer à Battambang. Le Lt.Col Norodom Vatvani, commandant de l'Ecole, organise alors une grande opération par convoi routier pour tout le matériel technique. Ce ne fut pas sans risques car les voies terrestres n'étaient plus sûres. Les pilotes instructeurs avaient pour mission d'amener tous les avions GY-80 Horizon par voie aérienne. Par la suite, l'Ecole recevra des T-41 Mascalero. Deux années plus tard, suite à ses commentaires déplaisants sur le Président Lon Nol, le Lt Col Vatvani fut relevé du commandement de l'Ecole et remplacé par son adjoint, le Lt.Col Oum Traluk (voir les Cdts de bases)

BA 201

Carte de circulation de la 3e Région Militaire et carte d'accès de la base aérienne de Battambang (droite) du Lt. Tov Seng Hieng
Battambang Airbase pass


1970      Huitième promotion

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You Chamroeun 
Class8A-Gr02.jpg
Quelques élèves de la 8A

Plusieurs sessions de recrutement furent organisées en 1970 avec l'espoir que les élèves officiers puissent être opérationnels en 1971. Il y eut donc la promotion 8A puis la 8B. Cette dernière terminera les cours en même temps que la promotion des Elèves Officiers des 'Services Généraux' en 1971.

Dans tout le pays et toutes spécialités confondues, il devait y avoir à peine cent quarante pilotes et navigateurs disponibles. Ce chiffre inclu le management et ceux qui travaillent à l'état-major. Ils devront tenir jusqu'à ce que les nouveaux pilotes soient formés.

1971

Les capacités opérationnelles de l'AVNK augmentaient considérablement. Malheureusement, dans la nuit du 21 janvier 1971, des sapeurs Nord Vietnamiens ont réussi à franchir les ceintures de la RMS (Région Militaire Spéciale) de Phnom-Penh et ont attaqué la base de Pochentong. Parvenus aux abords des parkings, les sapeurs communistes n'ont pas eu de mal à se débarrasser des gardes. Les quelques fusils MAS36 de la 2e Guerre Mondiale n'ont pas fait le poids. Plus d'une vingtaine sont tués. Au corps à corps, certains furent tués, armés d'un seul bâton à la main. Le Lt Mann Monin (mécanicien) fut ainsi retrouvé avec son poignard ensanglanté; il avait reçu des coups et avait été achevé par une rafale (voir notes complémentaires)  


Durant ces dix premiers mois de guerre, le manque d'armes fut si crucial dans les armées de la République que les deux tiers des fusils qui équipaient les gardes de la base aérienne furent retirés au profit des unités de défense de la RMS de Phnom-Penh. A la place, des bâtons et des poignards sont distribués. La nuit de l'attaque, il y eut en tout, plus de deux cents victimes dont une quarantaine de morts, des militaires de l'Armée de Terre, de l'Aviation mais aussi des civils. La plupart des avions de Pochentong sont détruits. Quelques avions de transport purent néanmoins rapidement reprendre les vols. Les T-28 déployés à Battambang ont été heureusement épargnés. (voir notes complémentaires

Profitant de cette situation, le Col. So Satto demanda aux Etat-Unis de nouveaux avions afin de reconstituer les unités et pouvoir en créer d'autres et ainsi que plus de supports logistiques. Il souhaitait recevoir des F-5A pour remplacer les MiG mais les Américains proposaient des F-86F de la Royal Thai Air Force qui étaient en cours de retrait de service. Un groupe d'experts techniques de l'AVNK se rendit sur place et a refusé ces avions. A la place, l'AVNK reçut 16 T-28, une flotte complète d'hélicoptères UH-1H et deux gunships AC-47. Plus tard, une douzaine d'autres avions vont suivre.

Gunship_LoupGarou.jpg
Le LtCol Pao Lim Sina fut le premier pilote entraîné sur les gunships. Les équipages sous ses ordres se relayent toutes les nuits. L'indicatif des AC-47 était 'Loup Garou'. Parmi eux, le "Loup Garou 009 ..."
Parachutistes.jpg
Exercice chez les Paras.
Dans les faits, les opérations de parachutages seront totalement remplacés par des héliportages. Chevronnés et bien entrainés depuis déjà l'époque française, les parachutistes vont être utilisés jusqu'à l'usure dès les premières années de la guerre.

(Photo tansmis par Darasy)
Les mécaniciens rendent possible, l'impossible.

        

Peu après l'attaque de Pochentong, les équipes de conseillers américains renforcent leurs présences. Le MEDTC (Military Equipment Delivery Team Cambodia), Air América ou le LAMAT (Logistics Management Assistance Team), ils apportaient assistance et instruction pour les matériels fournis par les Etat-Unis. Très discrets et presque toujours en civil, ils se cantonnent uniquement à des rôles techniques. 

McCain1.jpg  >>>
 Visite de l'Amiral McCain, Commandant des Forces US du Pacific

Avec le nombre grossissant des avions, des opérations et des effectifs, le Kret du 8 Juin 1971 changea l'appellation de l'AVNK en AAK (Armée de l'Air Khmer) ou KAF (Khmer Air Force). Outre l'appellation, c'est l'organisation du commandement qui change.

Suite... AAK-KAF